L'ascension de la jeune Canadienne Eugenie Bouchard a été fulgurante dans le monde du tennis professionnel. Un peu comme celle de Maria Sharapova, son idole d'enfance, une dizaine d'années auparavant. Cette dernière a triomphé à Wimbledon alors qu'elle n'avait que dix-sept ans. En 2012, à dix-huit ans, celle qui préfère se faire appeler "Genie", a aussi remporté le prestigieux tournoi anglais, mais dans la catégorie junior, cependant. Une fois rendue chez les professionnelles, elle croyait bien pouvoir imiter son modèle l'an passé, lorsqu'elle a atteint la finale de Wimbledon contre Petra Kvitova. Mais celle-ci ne lui a donné aucune chance en la battant décisivement. Durant ce match, j'imagine que tout le monde a remarqué que la championne a parfois lancé des regards mauvais à sa jeune rivale. Ce qui est significatif, à mon avis.
PETRA KVITOVA |
En pleurs après cette cuisante défaite, à Londres, contre l'imposante Kvitova, la native du huppé quartier Wetmount, à Montréal, n'a plus été la même par la suite, du moins, sur les courts de tennis. Cette année, elle connaît jusqu'ici une saison atroce. Elle semble perdue et ne pas avoir de solution pour corriger son jeu erratique. Ses nombreux admirateurs, qui, l'an passé avaient formé la "Genie Army", sont désolés et incrédules. La foule des fans qui, à leur suite, avaient sauté dans le train de popularité de la mignonne blonde québécoise, commencent déjà à débarquer. Bien qu'elle croit fermement qu'elle va bientôt faire tourner le vent en sa faveur, Eugenie n'a pu s'empêcher de le remarquer avec une certaine amertume. Les déboires actuels de Bouchard peuvent s'expliquer de plusieurs façons, bien que l'on ne puisse évidemment pas en être sûrs.
On peut porter des jugements de gérants d'estrade sur les performances et la vie "hors-terrain" d'Eugenie Bouchard, mais l'avis des experts ou des gens qui la côtoient a bien plus de valeur. Même si elle se dit fatiguée d'être comparée à Maria Sharapova (photographiée ci-contre avec elle, à Miami, alors qu'Eugenie était une enfant) parce qu'elle veut être reconnue en tant que "Genie" et personne d'autre, Bouchard aurait avantage à écouter les conseils de la championne russe.
Sharapova a elle aussi connu des difficultés après ses premiers succès, et si elle est parvenue à les surmonter c'est à cause de son entourage : «Pour moi, la décision la plus importante n'a rien eu à voir avec le tennis, mais bien avec les personnes avec qui j'ai décidé de m'entourer et qui ont fait les bons choix pour moi. À cet âge, c'est difficile de choisir, on a beaucoup d'opportunités qui s'offre à nous, certaines extrêmement emballantes pour une jeune femme : participer à des grands événements, rencontre des vedettes, se retrouver en couverture de grands magazines.» (...) «Ce sont des choses très "cool" pour une jeune fille et je me suis amusée, mais il ne faut pas oublier que c'est le fait de gagner des matchs de tennis qui m'a amené là», souligne à juste titre celle qui est devenue l'athlète féminine la plus riche de la planète.
Sans oser penser que Mademoiselle Bouchard va imiter son ancienne idole à ce chapitre, il faut dire qu'elle est bien partie avec des gains de plus de 4 millions de dollars grâce à ses exploits sur le circuit de la WTA. D'ailleurs, des firmes spécialisées en marketing estiment que la jolie et sexy Genie est présentement la sportive qui a le plus grand potentiel "commercial".
Eugenie Bouchard a suivi le parcours typique des athlètes d'exception. Comme Sharapova, elle a été rapidement obsédée par son sport et elle a commencé à le pratiquer dès sa tendre enfance. Talentueuse, elle a sacrifié la vie normale d'une fillette pour s'améliorer sans cesse, au prix de longues heures d'un dur entraînement, pendant que les enfants de son âge s'amusaient avec leurs amis.
Comme tous les sportifs qui réussissent, celle qui a été la première Canadienne (autant chez les hommes que chez les femmes) à atteindre une finale d'un tournoi du grand chelem), a démontré énormément d'intensité et de détermination. Elle a toujours cru en elle. Et ses parents aussi puisque, quand elle a eu douze ans, ils ont déménagé la famille à Miami pour que Genie -et sa soeur jumelle Béatrice- bénéficient des meilleurs entraîneurs et des meilleurs sites d'entraînement pour le tennis. Encore là, Bouchard suivait les traces de Sharapova qui, adolescente, avait quitté la Russie pour la Floride.
Si elle a surpris le monde du tennis en remportant beaucoup de succès dès le début de sa carrière, Eugenie Bouchard a encore plus étonné par les réponses qu'elle donnait quand on l'interrogeait à ce sujet. «Chaque poussée victorieuse que j'ai réussie ne m'a jamais surprise, parce que j'y ai mis dix ans de dur travail», explique-t-elle souvent pour justifier l'exploit qu'elle a réalisé en passant en très peu de temps du 144e au 7e rang du classement mondial des joueuses de la WTA.
Si bien préparée qu'elle ait été, Genie doit s'adapter comme toutes les autres jeunes prodiges de la raquette. Ses adversaires la connaissent maintenant mieux. On a étudié et analysé son jeu. Ses forces et ses faiblesses ne sont plus des secrets. On est mieux préparé à l'affronter. Des blessures, notamment à l'abdomen, ont aussi ralenti celle qui a remporté son premier tournoi d'importance à Nuremberg, l'an dernier, après avoir été nommée "Révélation de l'année" en 2013. Après être tombée en panne cette saison, Bouchard a glissé en 26e position au classement de la WTA.
C'est une chose extrêmement ardue de se hisser parmi les meilleures joueuses de tennis au monde. Ce l'est encore plus de demeurer parmi cette élite, comme le rappelle encore une fois Maria Sharapova : «Ça prend du temps pour être capable de rester au sommet et de prouver qu'on est capable de demeurer parmi les meilleures. J'ai gagné Wimbledon lorsque j'avais 17 ans et je croyais que j'allais gagner tous les matchs par la suite. Ça m'a pris du temps pour réaliser que la réalité allait être bien différente» d'ajouter la reine de beauté russe, qui a connu un long passage à vide quand elle tentait de récupérer tant bien que mal après une opération chirurgicale à l'épaule.
Les choses ont également commencé à se détériorer quand Eugenie Bouchard s'est brouillée avec son entraîneur de longue date (huit ans) Nick Saviano. On se rappelle que Genie a piqué toute une colère à l'endroit de son coach, durant un entraînement à Roland-Garros en juin 2014, le jour précédant sa défaite en demi-finale du tournoi français, contre Sharapova. Claquant furieusement une balle en-dehors du court, elle avait crié à Saviano : «Alors, à la base, je n'ai pas la permission de te dire mon opinion ?». Quelques semaines plus tard elle mettait fin à sa longue et fructueuse association avec Saviano (photo ci-dessous) en le remplaçant par Sam Sumyk.
Ce changement n'a pas encore rapporté les dividendes escomptés... Pendant les matchs de Bouchard, l'an passé, on voyait souvent Saviano hocher négativement de la tête quand sa protégée manquait des coups faciles. Il n'aimait pas non plus la fâcheuse habitude qu'avait Genie de tarder à se mettre en marche à chaque début de match. Elle devait presque constamment revenir de l'arrière pour renverser le cours des parties.
Cette saison, elle en est incapable. Saviano était certes sévère et très exigeant, mais c'est manifestement ce que ça prenait pour pousser Bouchard. Est-ce que la jeune vedette a pu souffrir d'un excès de confiance et se penser déjà trop bonne pour endurer le dur régime et les réprimandes de son réputé coach ?
On peut aussi se demander si tout le tourbillon médiatique autour d'elle, et toutes les distractions causées par ses multitudes participations à des fêtes ou à des activités de promotion de tous genres, ne lui ont pas fait perdre le focus sur son tennis. Sans compter toutes ces obligations reliées à des commandites ou des publicités pour Nike ou Coca-Cola. On l'a aussi vu se payer du bon temps avec des célébrités comme Drake, Justin Bieber, Jim Parsons, Kevin Hart, Billy Bush, Will Ferrell et bien d'autres.
Bouchard adore également le monde de la mode. Elle a signé un contrat pour être associée à l'agence de mannequins IMG et elle a posé, entre autres, pour les revues FLARE (photo ci-dessous), VOGUE et ELLE QUÉBEC. Elle revendique le droit de bien paraître dans des tenues de mode et d'afficher ainsi son côté "fille". Mais prend-t-elle maintenant trop de plaisir à tremper dans le monde accaparant du show-business ? Est-elle aussi passionnée qu'avant pour son sport ? A-t-elle autant soif de victoire ? On l'a entendu dire après une récente défaite que ce n'était pas la fin du monde, et qu'elle songe déjà à son après-carrière.
Lorsqu'on lui demande si elle ne subit pas cette année une pression supplémentaire, considérant le succès qu'elle a eu en 2013 et en 2014, elle répond avec défiance que plus elle a de la pression, plus elle aime ça : «emmenez-en de la pression», ajoute-t-elle.
L'expert québécois en tennis, le vénérable Eugène Lapierre, a noté lui aussi les problèmes qui semblent affecter Bouchard. D'après lui, ses insuccès de cette saison ne sont pas attribuables à un manque de talent ou de lucidité. Fort de sa longue expérience, Lapierre affirme qu'il ne faut pas paniquer dans le cas de Genie. Elle n'a que 21 ans et c'est normal qu'elle commette des erreurs de jeunesse. D'ailleurs, à ses yeux, ce n'est pas tant son jeu qui est préoccupant : «C'est dans sa tête que ça se passe. Elle doit régler ses problèmes autour d'elle. Changer sa façon de se préparer notamment» (...) «On la sent moins concentrée quand elle se présente sur le terrain. Elle doit retrouver le plaisir de jouer... Prendre le temps de régler ses bobos physiquement.»
À n'en pas douter, "l'effet" de la grande beauté d'Eugenie dans les médias sociaux -plus de deux millions de fans la suivent, parmi lesquels plusieurs lui envoient des déclarations d'amour-, ou traditionnels, représente un danger. D'autres joueuses au physique superbe, comme Anna Kournikova (photo ci-dessus) ou Ana Ivanovic (photo ci-dessous) se sont laissées happer dans les remous d'un tapage publicitaire qui a fini par les subjuguer. Leurs performances, sur les terrains de tennis, en ont souffert. Il ne faudrait pas que ça se produise dans le cas de Genie. Elle doit être forte mentalement, apprendre des expériences vécues par les autres belles du tennis, et savoir mieux s'entourer de personnes compétentes, à qui elle pourra se fier pour déterminer ce qui est vraiment bon pour elle et sa carrière.
En jeune femme "cool" et bien de son temps, Bouchard a parfois tendance à se laisser aller, sans réfléchir, à son "feeling" du moment. Pour elle, le sport professionnel comporte une part de spectacle et de divertissement auquel elle participe en essayant de s'amuser un peu. En janvier dernier, après un match en Australie, un reporter s'est amené sur le terrain et, la complimentant sur son "look", il lui a demandé de faire un tour complet sur elle-même (vidéo ci-dessous), comme si elle était dans une parade de mode. Genie s'est exécutée mais elle s'est sentie un peu gênée et elle s'est cachée le visage dans les mains. Les féministes, dont l'ex-championne de tennis Billie Jean King, ont taxé le reporter de "sexiste", et elles ont condamné son comportement. L'incident a été baptisé du nom de "Twirlgate" et il fait encore beaucoup jaser. Les opinions sont partagées à ce sujet. Bouchard elle-même ne s'en formalise pas.
Comme c'est le cas aussi pour une autre histoire, qui s'est produite encore après un match en Australie l'an dernier, quand une commentatrice lui a demandée quel serait son petit ami idéal pour une sortie "en amoureux". Jouant le jeu, pour rigoler et faire rire les spectateurs, Eugenie a mentionné le nom de Justin Bieber.
Toujours dans le même pays, cette année, après une victoire contre Serena Williams, Bouchard a commenté avec humour le manque d'énergie de sa rivale américaine en disant que celle-ci aurait peut-être eu besoin d'un autre café. Dans un match précédent, Williams, fatiguée, avait demandé une pause et...un café pour se remonter parce qu'elle se sentait à plat... La super championne américaine n'a pas dû apprécier l'humour de la Québécoise...
Si la jeune vedette Canadienne aime soigner son image c'est également parce que c'est dans l'air du temps pour les "tennis women" d'aujourd'hui. Chaque joueuse, surtout si elle a belle apparence, possède un certain potentiel "commercialisable" dans le "sport-spectacle", à l'ère de FaceBook et de Twitter. Il en résulte une sorte de pression supplémentaire. Une pression qui, si elle est exagérée, peut être mal gérée.
Après avoir sacrifié une grande partie de son enfance afin de réaliser son rêve de devenir une des meilleures joueuses de tennis au monde, il est possiblement normal qu'Eugenie Bouchard cherche à rattraper le bon temps perdu en s'amusant enfin. Surtout quand les opportunités de le faire se présentent en aussi grand nombre, à un si jeune âge. Mais, au tennis, -comme dans le sport professionnel en général-, rendue à ce niveau d'excellence, rien n'est jamais acquis. Il faut inlassablement s'améliorer et raffiner son jeu pour demeurer au sommet.
Malgré les feux de la rampe et la rançon de la gloire, Maria Sharapova a compris qu'il faut toujours se réinventer, donner son maximum et garder les pieds sur terre. C'est bien beau la confiance en soi, mais avoir peur de glisser dans la médiocrité, et de perdre, est aussi sain et salutaire pour rester sur le qui-vive et faire face avec succès aux défis et aux obstacles qui ne manquent pas de se dresser tout le long du chemin.
Eugenie Bouchard marchera-t-elle dans les pas de Sharapova ou se perdra-t-elle dans ceux de Kournikova ? Seul l'avenir nous le dira... Genie a encore beaucoup de temps devant elle pour prouver à ses détracteurs qu'ils font fausse route en lançant la serviette à son sujet. Mais qui sait si une autre jeune Canadienne, la très athlétique Françoise Abanda (photo ci-dessus), 18 ans, ne pourra pas un jour damer le pion à Bouchard. Une fois son développement physique achevé et son jeu suffisamment poli, cette autre jolie joueuse native de Montréal pourrait faire elle aussi tourner bien des têtes.
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Histoire de s'amuser, que pourrait dire Justin Bieber s'il était vraiment l'amoureux de Genie et qu'il voudrait la supporter en ces temps difficiles pour elle. Il lui chanterait peut-être sa chanson "UP". Je l'ai intégrée dans le diaporama ci-dessous...